La conférence annuelle organisée par l’ONU sur le changement climatique bat son plein à Sharm-El-Sheik en Egypte jusqu’au 18 novembre 2022. Quels sont les enjeux de cette 27e édition, notamment pour les pays du Sud ? Tour d’horizon sur la COP27 avec Damien Kuhn, directeur des opérations internationales chez Kinomé et de l’antenne régionale Afrique de l’Ouest.  

 

1. Quels sont les grands enjeux de cette nouvelle COP, en particulier pour les pays du Sud dits en développement ? 

C’est une COP africaine à laquelle les pays africains arrivent mieux préparés pour faire entendre leurs voix. Par exemple, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO ; 15 pays membres) arrive avec une Stratégie Régionale Climat bien ficelée. Chacun des Etats a révisé sa contribution déterminée au niveau national (CDN), avec, pour la plupart d’entre eux, un rehaussement des objectifs de réduction d’émissions de GES et des mesures d’adaptation de leurs populations et de leur territoire beaucoup plus approfondies et budgétées.  

La question de la justice climatique sera donc au cœur des débats. Qui doit payer lorsqu’une sécheresse anormalement longue détruit une part significative de la production agricole d’un pays et laisse les habitants dans la faim ?  

Financer l’adaptation des pays les plus vulnérables aux aléas climatiques est maintenant devenu une priorité, et c’est tant mieux. Maintenant, qui va financer cette adaptation ?  

Chez Kinomé, nous avons accompagné quatre pays (Côte d’Ivoire, Guinée, Congo et Cameroun) dans la définition de leur stratégie climat, et de leur contribution à l’Accord de Paris. D’ici 2030, la Guinée estime que son besoin en financement pour s’adapter aux changements climatiques est d’un Milliards de dollars US, la Côte d’ivoire le chiffre à 12 milliards, etc. Est-il juste [pour ces pays] de s’endetter pour financer cette adaptation à une crise dont les principaux responsables sont au Nord ? 

Les négociateurs climat africains arrivent avec ces points de négociation à la COP, et il leur faudra véritablement être dans la recherche du “terrain commun”, sans se laisser envahir par le réactionnel, et en étant dans cette quête de justesse, pour trouver un accord sur cette question.   

 

2. Les engagements soumis par les pays lors de la COP26 dirigeaient la planète vers un réchauffement à +2,7° en 2100. Quels sont les leviers à actionner pour accélérer la transition écologique planétaire ? 

Les engagements ne sont pas suffisants pour atteindre nos objectifs de l’Accord de Paris. Presque tous les pays ont révisé leurs engagements et les ont présentés à la COP précédente à Glasgow. Nous arrivons effectivement à un réchauffement de la planète de 2,7° loin de l’objectif de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2°C (de préférence à 1,5 degré), par rapport au niveau préindustriel. Notons tout de même que certains pays, notamment africains, ont pris des engagements réellement ambitieux. La Côte d’Ivoire, en plein développement, prévoit ainsi de réduire ses émissions de GES de 30%.
En parallèle des engagements étatiques (inscrits dans les CDN), les entreprises jouent un rôle majeur pour atteindre les objectifs face au changement climatique. La récente prise de conscience de leurs dirigeants et, par conséquence, le positionnement devenu stratégique du climat est une très bonne évolution, à suivre de près dans sa concrétisation. 

 

3. Revenons sur le sujet de la justice climatique : comment trouver une solution acceptable par tous ?  La justice climatique a émergé comme un sujet majeur des négociations internationales, porté par les pays du Sud. Quelle est exactement la situation ? 

Le débat est souvent résumé aux 100 milliards par an promis par les pays riches – mais non encore délivrés – pour aider les pays en voie de développement. Au fond, ce dont il est question est la confiance entre les 191 pays qui ont décidé de se mettre autour de la table pour résoudre cette crise globale qu’est le changement climatique. Dans un projet collectif, nous ne pouvons réussir qu’avec la confiance. Et si cette confiance est abimée, alors cela peut mettre en difficulté l’objectif commun. Donc, pour réussir, les négociateurs devront être dans une recherche de “terrain commun” et non dans le rapport de force. 

 

4. Comment améliorer concrètement l’accès à ces financements climat des pays qui en ont le plus besoin ?  

Former les équipes terrain ! J’entends encore trop souvent “c’est trop long, trop compliqué pour obtenir un financement climat”. Simplifions les règles en étant plus pragmatique et formons largement les porteurs de projet avec des coaching sur la durée. Chez Kinomé, nous avons formé 150 dirigeants en Côte d’Ivoire, au Tchad et au Niger sur des compétences à la fois techniques (montage de projets pertinents et bancables) et humaines (leadership, capacité à fédérer un collectif d’acteurs dans un projet climatique).  

 

5. Au regard de l’expérience de Kinomé  depuis plus de 15 ans dans les pays du Sud, de l’Afrique à l’Amérique Latine, quels  y sont les secteurs prioritaires au regard du changement climatique ? 

Agriculture et forêts des tropiques sont les secteurs les plus vulnérables et contributeurs de solution à la lutte contre les changements climatiques. Dans ces pays, l’enjeu principal est d’améliorer la résilience de leur agriculture pour garantir une bonne sécurité alimentaire, améliorer les revenus des familles paysannes, et aussi développer la richesse du pays. Nous constatons une augmentation de la durée des sécheresses et une augmentation de l’intensité des pluies créant des inondations. Ces aléas climatiques touchent directement les paysans non préparés. Nous avons besoin d’adapter les systèmes agricoles, développer l’agroforesterie, etc. 

 

6. Comment Kinomé intervient-il sur ces sujets? 

Kinomé intervient sur toute la chaine de valeur climat : nous accompagnons des gouvernements et entreprises à construire leur stratégie climat en prenant compte des besoins des populations. C’est l’unicité de notre approche : nous partons de la vie quotidienne des familles pour bâtir des stratégies d’entreprises ou de gouvernement. Puis, nous élaborons des feuilles de routes et plans d’investissements pour concrétiser ces objectifs stratégiques. Nous montons des projets agricoles et forestiers qui contribuent à l’atténuation et à l’adaptation. Par exemple, nous avons conçu récemment des projets de restauration des corridors écologiques entre parcs nationaux en Guinée Bissau, de déploiement de l’agriculture résiliente en Guinée forestière, etc. 

 

7. Comment Kinomé engage ses clients privés dans cet objectif commun de préservation du climat ?

Kinomé accompagne les entreprises sur leur stratégie (comme par exemple, un approvisionnement en produits agricoles qui ne déforeste pas et même qui devienne positif à la foret) et sur le développement des projets de terrain qui permettent à la fois de séquestrer du carbone et de réduire des émissions dues à la déforestation. Par exemple, nous animons un collectif de d’acteurs en Afrique de l’Ouest pour la protection et la valorisation des mangroves.  

 

8. Comment expliquer qu’en dépit des alertes répétées et des catastrophes climatiques de cet été, l’élan pour le climat reste insuffisant par rapport à l’urgence ? Que peut faire une entreprise comme Kinomé pour contribuer à l’engagement collectif nécessaire ? 

La prise de conscience est le point de départ indispensable à l’action. Il faut donc continuer largement à éduquer. Connaître notre nature, les forêts, et l’état de la déforestation dans le monde nous aide à ressentir l’enjeu et à agir.  

Notre programme éducatif Forest&Life vise à développer cette prise de conscience que nous avons tous le potentiel d’agir pour les forêts ici et maintenant.