Conservation et Restauration : quel avenir pour les forêts ?

Article du 21 mars 2023

#agroforesterie #impact #etude #investissement

1. Définition et historique

Commençons par une définition simple d’une forêt. C’est un écosystème, relativement étendu, constitué principalement d’un peuplement d’arbres, arbustes et arbrisseaux, ainsi que de l’ensemble des autres espèces qui lui sont associées et qui vivent en interaction au sein de ce milieu. Elle peut être naturelle ou plantée, primaire (intacte) ou exploitée de diverses manières par l’homme. Source Wikipédia. 

Le terme « forêt » est un concept qui n’a pas toujours désigné le même espace, et qui reste encore complexe à définir universellement. Dans la plupart des cas, le terme inclut l’utilisation qu’on en fait ou qu’on en tire. Un forestier appellera forêt une plantation d’arbre à vocation de production de pâte à papier qu’un environnementaliste ne considèrera pas comme une forêt. 

Historiquement, l’école allemande, utilitariste, a imprégné 3 siècles de gestion « moderne » des forêts : la forêt doit fournir du bois d’œuvre (construction) et du bois d’énergie (feu, chaleur). Beaucoup plus récemment à l’échelle du changement des consciences, les évolutions sont basées sur des valeurs plus intrinsèques notamment la valeur de la biodiversité qu’héberge la forêt ; et construite dans une opposition avec l’usage humain, ou encore des valeurs utilitaristes. Néanmoins, dans un sens plus large la forêt produit des services écosystémiques qu’il importe de restaurer/maintenir/accroitre, et avec une vision plus globale où la place des êtres humains est centrale. Entre reforestation et conservation, tour d’horizons sur les bonnes pratiques pour préserver les forêts d’aujourd’hui et de demain.L

2. Les enjeux importants d’une forêt en disparition

Bien qu’il s’agisse simplement d’une définition, la forêt dans son sens le plus récent, c’est-à-dire l’écosystème forestier incluant la faune et la flore ainsi que les services écosystémiques qui lui sont attachés intrinsèquement, a de multiples actions positives :

  • Premièrement, il s’agit d’un puit de carbone extrêmement efficace,
  • Ensuite les espaces forestiers permettent de réguler les sinistres climatiques, sècheresses et inondations notamment par la filtration et la rétention de l’eau dans les sols.
  • De plus l’écosystème étant complexe, il est très résilient grâce la biodiversité qui y vit (faune comme flore d’ailleurs), et permet de regénérer les sols par eux-mêmes.
  • Enfin, lié directement à cette richesse de biodiversité, la forêt représente pour l’homme un espace de collecte très intéressant. Par exemple, plus de 50% des médicaments de la médecine traditionnelle dont dépendent plus de 80% des populations dans les pays en voie de développement sont trouvés directement en forêt. Et ¼ des produits de la médecine moderne proviennent aussi d’espaces forestiers.

L’exploitation de cet espace est naturelle, mais sa surexploitation est dangereuse. Pourtant, c’est ce qu’on note de plus en plus aujourd’hui.

Selon le rapport de la FAO sur la situation des forêts du monde, depuis 1990, on estime que 420 millions d’hectares de forêts ont été perdus en raison de la conversion à d’autres usages des terres. L’expansion agricole est le principal moteur de la déforestation, l’agriculture commerciale à grande échelle étant responsable de 40 % de la déforestation tropicale, suivie par l’agriculture locale de subsistance, responsable de 33 % de la déforestation tropicale entre 2000 et 2010.

Malgré ces chiffres alarmants, la perte nette de surface forestière a diminué, passant de 7,8 millions d’hectares par an dans les années 1990 à 4,7 millions d’hectares par an au cours de la période 2010-2020. Cela indique que les efforts de conservation et de restauration ont un impact positif. Toutefois, la superficie des forêts primaires dans le monde a diminué de plus de 80 millions d’hectares depuis 1990, et la déforestation et la dégradation des forêts continuent de poser des risques importants pour la biodiversité.

En effet, la déforestation qui a commencé à l’aube de l’aire industrielle se poursuit aujourd’hui encore. A savoir que les forêts principalement touchées ces dernières années sont celles d’Afrique (accélération de la déforestation) et d’Amérique du Sud (ralentissement de la déforestation), là où la population en a le plus besoin. De ce fait, la pauvreté dans ces pays étant plus importante, les populations se reposent sur les forêts pour survivre, que ce soit par les médicaments et autres denrées récupérées en forêt, ou encore grâce au service écosystémique de celles-ci qui leur assurent un environnement vivable et des conditions propices pour la culture de produit de rente (cacao, soja, etc.).

Pourtant, ce sont ces mêmes populations qui sont responsables de 80% de la déforestation (extension de parcelles cultivables et cultures sur brulis principalement).

A noter tout de même qu’en Europe et en Asie, les surfaces forestières réaugmentent ces dernières années. Toutefois, ce n’est pas suffisant pour compenser la déforestation actuelle dans les zones tropicales d’Amérique du Sud et d’Afrique. Il est essentiel que nous continuions à prendre des mesures en s’inspirant de deux approches :

  • la conservation de ce qui existe
  • la restauration de ce qui a été perdu

3. La Conservation pour sauvegarder les forêts d’aujourd’hui 

La RPF est un super processus qui permet de recréer des forêts, mais ces dernières ne seront jamais aussi diversifiées que celles d’aujourd’hui. Pour prendre l’exemple le plus important, la forêt amazonienne contient un ensemble de 16 000 essences d’arbres (1 100 au km2), ce qui permet une diversité faunique de plus de 10 millions d’espèces différentes. Outre cette diversité si importante, il y a beaucoup d’espèces endémiques (notamment sur les îles, comme Madagascar ou la Nouvelle Zélande) qui sont en voie d’extinction à cause des destructions des forêts… Or perdre la biodiversité d’aujourd’hui, c’est compromettre notre résilience de demain.  

a. Projets de Conservation des espaces pour freiner la déforestation

C’est pourquoi la RPF n’est pas suffisante, il est tout aussi nécessaire de sauvegarder les forêts existantes. Freiner la déforestation, notamment des forêts tropicales, est aussi un enjeu crucial pour le changement climatique actuel ainsi que pour le support des nombreuses populations locales.  

Pour cela, la conservation des espaces (par la mise en place de parc nationaux, d’aires protégées) est de plus en plus mise en place dans les espaces d’intérêts. De nombreux acteurs (ONG, Gouvernement, instances internationales) ont lancé des programmes et projets dans ce sens. C’est le cas des initiatives REDD (Réduction des Emissions dues à la Déforestation et à la Dégradation forestière) qui sont des programmes financiers incitatifs à la non-destruction des forêts : une valeur financière est attribuée au carbone stocké dans les forêts, et des initiatives REDD+ qui se concentre sur une gestion durable et un renforcement de ces forêts.  

  • Ces projets se concentrent par exemple sur :  

    • Le renforcement de capacités des acteurs gestionnaires des espaces : mise à disposition d’outils, d’études de terrain spécifique, de formation des décisionnaires à certains enjeux,  
    • Le changement de pratiques agricoles pour des pratiques moins dévastatrices et plus durables : agroforesteries, diversification des cultures 
    • L’inclusion des activités locales dans une pratique durable et respectueuse de l’environnement, 
    • Une meilleure gestion des ressources naturelles 
    • etc.

b. La législation au service de la conservation

Outre ces projets, un autre moyen de protéger une aire forestière est de créer un cadre législatif qui régule l’activité dans cette zone. Pour avoir un maximum d’impact, il faut pénaliser les goulots d’étranglement d’une chaîne pour s’assurer que la chaîne entière soit respectueuse de ces forêts.

C’est ainsi qu’en 2021 a été discuté la législation sur la déforestation importée au sein de l’Union Européenne (loi votée en 2022) pour obliger les entreprises à avoir un sourcing responsable concernant les forêts : les produit comme le cacao, le soja et autre produit exotique issus d’espace agricole acquis par déforestation (cause primaire de la déforestation dans le monde) seront lourdement sanctionnés dans les pays importateurs.

De ce fait, ce sont aux géants de ces filières de prouver que leurs approvisionnements sont respectueux de la forêt, et plus largement de l’environnement. Cela implique en revanche une meilleure traçabilité des produits qui pour l’instant n’est pas toujours évidente en raison de multiples acteurs intermédiaires dans ces chaînes de valeur.  

4. La restauration pour créer les forêts de demain 

La reforestation ou restauration des paysages forestiers (RPF) consiste à recréer des écosystèmes forestiers complets : faune, flore et homme. En effet, pour inverser le changement climatique et capturer l’équivalent de ce que l’Homme a émis en gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle, il nous faudrait reforester 1 milliards d’hectares de nouvelles forêts. Bien que ce soit une surface colossale, la combinaison des espaces libres et propices à la reforestation de seulement 6 pays permettent d’acquérir ces dimensions (Canada, Etats-Unis, Brésil, Chine, Russie et Australie) ! Il ne nous reste plus qu’à planter ! Enfin pas exactement. Il existe plusieurs méthodes de restauration des forêts, qui nécessitent des actions différentes et complémentaires pour assurer une efficience maximum de ces reforestations. 

a.La restauration passive

Premièrement, et heureusement pour nous, nous n’avons pas besoin de planter 1 milliards d’hectares de forêt. En effet, sur le tiers de cette surface, les systèmes qui n’ont pas encore été trop endommagés par l’homme sont propices à une restauration passive (ou reforestation naturelle). Il y a de multiples avantages à laisser la Nature faire :  

  • Économiquement, l’action ne coûte pas directement (pas de main d’œuvre, pas d’arbre à acheter),  
  • Écologiquement il s’agit de la meilleure façon de faire : pas d’émissions liées à la mise en œuvre, les plantes qui poussent réalisent un cycle complet de croissance ce qui emprisonne un maximum de carbone,  
  • Et le meilleur, c’est que la Nature le fait encore mieux que nous : sélection naturelle pour une meilleure résilience, optimisation de l’effort pour obtenir un résultat plus adapté. 

Bien qu’il soit préférable et plus efficient, ce type de restauration nécessite tout de même de baisser la pression que l’on exerce quotidiennement sur ces espaces encore riches (agriculture, chasse, surexploitation.  

b.La reforestation active

Ensuite, sur les 2/3 restants, il est nécessaire de mettre les mains à la terre afin de donner un coup de pouce au cycle naturel de la vie.  

  • Faisabilité opérationnelle et économique 

Bien que cela paraisse toujours une surface considérable, si l’on s’y met tous, c’est amplement faisable. En Ethiopie, lors de la campagne de reforestation du pays à la suite de sa désertification (dû notamment à l’industrie du bois d’œuvre et à l’augmentation démographique du pays), ce sont 353 millions d’arbres qui ont été plantés en 12 heures de temps. Un mouvement qui a fait participer tout le pays dans son effort de reboisement pour contrer les insécurités alimentaires du pays et les glissements de terrain de plus en plus fréquents.  

L’action de reforestation est aussi engageante que fédératrice ! Et outre la faisabilité opérationnelle, la faisabilité économique du projet est aussi viable ! Le programme prévu par l’Ethiopie représente 330 millions d’euros pour un objectif de 4 milliards d’arbres plantés, ce qui n’en fait pas une somme astronomique si l’on regarde les budgets investis dans les projets de développement.  

Mais cette phase d’action n’est pas suffisante pour obtenir un résultat durable et positif. Il est en effet nécessaire d’avoir des étapes intermédiaires de planification, de connaissances, de gouvernances, de communications pour assurer une action d’un impact important… En effet, planter des arbres aléatoirement n’aboutira pas sur l’écosystème escompté, voire sera inutile car les plantations ne dureront pas dans le temps. 

  • La phase préparatoire : les arbres dans un écosystème 

Dans les années 1970, la Chine a mis en place un programme de reforestation surnommé « la Grande Muraille Verte » (censé finir en 2074) afin de freiner l’expansion du désert de Gobi, conséquence d’une déforestation majeure et d’une intensification de l’agriculture lors de la politique du Grand Bond en Avant. En quelques années, plus de 13 millions d’hectares de forêts ont été replantés (ce qui en fait le projet de reforestation le plus important existant). Afin d’obtenir des résultats climatiques express, le projet a sélectionné des arbres grandissants rapidement (séquestration carbone plus élevé). Seulement la planification en monoculture de ces essences d’arbre a rendu cette « forêt artificielle » peu résiliente, c’est-à-dire fragile au changement. Et pour cause, lors de l’invasion des forêts par un petit insecte (Anoplophora chinensis), ce sont près d’un milliard d’arbres qui périrent, reculant le projet de 20 ans et anéantissant tous les efforts qui avaient été réalisés. 

Ce projet montre la nécessité d’amener de la biodiversité et de l’hétérogénéité dans les plantations, et donc de réaliser des phases de planifications importantes et renseignées avant la plantation. Des questions telles que quels arbres, où et comment les planter ? quel impact sur les populations locales ? etc. sont des questions majeures à adresser avant le début l’opération. 

Et de fait, les essences choisies doivent être adaptées à leur milieu géographique et méthodologique, avec une prise en compte de leurs utilités dans un écosystème complet : certains arbres remplissent par exemple la fonction de procurer de la nourriture aux espèces sauvages tandis que d’autres sont parfait pour faire les nids. Mettre des arbres de la première catégorie sans des arbres de la seconde ne permettrait pas l’installation de vie animale. 

 

De même l’espace donné à chaque arbre pour grandir, sa cohérence dans un écosystèmes plus grand va influer sur le lieu et la disposition que l’on va choisir. A titre d’illustration, il existe une zone transitoire en lisière de forêt, contenant moins de faune notamment et donc moins de flore. Il vaut mieux essayer de réduire cette zone transitoire pour maximiser les impacts et services écosystémiques de la forêt, en reboisant en lisière de forêt ou bien directement dans un espace dénudé d’une forêt par suite de vent violent ou des feux par exemple. Ou encore, on peut reboiser de façon à rétablir un service écosystémique, en créant par exemple des passerelles (chemins boisés entre deux morceaux de forêts) de façon à permettre la migration des prédateurs et donc de maintenir un bon équilibre proie prédateur. 

Enfin, l’aspect social d’une reforestation est primordial car ce sont les populations locales qui seront amené à gérer et utiliser la forêt. Il faut donc éduquer sur les impacts positifs de la forêt et aider les populations locales à développer des pratiques alternatives et durables.  

5. Forest&Life : un programme d’éducation et de reforestation

C’est parce que tous ces enjeux sont importants que nous nous entourons d’expert qualifiés sur le sujet chez Kinomé : le programme Forest&Life est un programme d’éducation à la forêt et à la Nature. Il contient notamment une partie importante de plantation dans l’objectif d’un reboisement en France et dans les pays du Sud. Nous collaborons étroitement avec des acteurs techniques afin d’assurer à nos plantations un maximum d’impact positif et une durabilité. Nous avons aussi l’immense plaisir de constater à chaque plantation l’aspect fédérateur de l’action (les enfants qui viennent planter, mais aussi les administratifs de la ville, les employés de la structure mécène, un véritable échange avec les pays du Sud…). Il n’est pas nécessaire d’avoir énormément de techniciens, seulement plein de petites mains et de bonne volonté pour planter 180 000 arbres en France et partout dans le monde. 

La Restauration des Paysages Forestiers (RPF) est un processus abordable et faisable. S’il est bien mené de bout en bout, c’est-à-dire de la construction du projet à son suivi sur le long terme, il apporte un nombre incroyable d’impacts positifs autant pour la terre que pour les populations qui en profitent et contre le changement climatique. Il est nécessaire pour résoudre les enjeux liés à la forêt. En revanche il peut être long avant de se prouver utile : les arbres plantés ne séquestrent qu’une dose infime de carbone dans les 10 premières années. C’est pourquoi ce processus est à commencer aujourd’hui pour un futur positif au long terme, mais il n’est pas suffisant pour l’urgence (qui est un peu le mot d’ordre de beaucoup de projet aujourd’hui). 

Kinomé conseille beaucoup sur ces thématiques. En effet des années d’expériences dans les filières durables et dans le renforcement de capacité nous permettent de proposer une expertise toujours plus importante sur ces questions. Par exemple, Kinomé a rédigé un guide sur la production durable de la vanille à Madagascar dans le cadre d’une mission pour la Banque Mondiale en 2020. Kinomé accompagne aussi les entreprises dans l’élaboration de la STRATÉGIE D’APPROVISIONNEMENT DURABLE en matières premières. 

La Restauration des paysages forestiers (RPF) est fondamentale au bien-être de l’Homme de demain. Toutefois, ne pas encadrer la conservation des forêts d’aujourd’hui annulerait tous les efforts de reforestation : une forêt non-protégée, mal gérée, mal exploitée est amenée à disparaître.  

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