Étude sur les possibilités de développement du cacao durable dans les paysages soutenus par les projets PAPFor et WABiLED

Article du 18 janvier 2024

#cacaoculture 

La culture de cacao est une des ressources les plus importantes en Afrique de l’Ouest, notamment pour la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui sont les principaux producteurs mondiaux. Au Ghana et en Côte d’Ivoire, le secteur du cacao procure des revenus à près d’1.5 million d’agriculteurs, et participe au maintien de 6 millions d’emplois. C’est le premier pôle d’exportation agricole. 

1. Les enjeux environnementaux et sociaux du secteur du cacao

Les facteurs humains et écologiques de la déforestation  

La production de cacao repose principalement sur des exploitations familiales de petite taille, qui vendent l’essentiel de leurs fèves sur les marchés internationaux, à la fois instables et dont les prix sont en baisse tendancielle depuis des décennies. Les agriculteurs sont peu organisés et dépendent d’intermédiaires. Ils sont donc contraints de vendre à des prix très bas. Cette situation les rend vulnérables face à l’industrie et les pousse à adopter un modèle agricole conventionnel qui s’avère néfaste. 

Les producteurs sont sous-payés et n’ont pas les moyens d’investir dans des pratiques durables, intensives en capital. Ne pouvant pas investir dans les intrants et plants de qualité, ils ont recours à la déforestation pour accéder aux terres fertiles ne nécessitant pas d’apport en engrais. La déforestation est favorisée par le fait que la forêt offre un terrain idéal pour le cacao. C’est un espace “gratuit”, fertile, sans besoin d’intrants et déjà ombragé, qui permet aux jeunes plants de se développer. 

Malheureusement aussi, le recours au travail des enfants permet à certains de réduire les frais.

Le cacao d’Afrique de l’Ouest, une culture extensive aux multiples défis

Les pratiques de culture cacaoyère des dernières décennies étaient très dépendantes de la fertilité des sols forestiers. Ce modèle minier est confronté à de nombreux défis, notamment des rendements qui baissent tendanciellement dans les plantations car la fertilité initiale n’est pas entretenue. Ainsi, les rendements nationaux sont globalement bas. Face à une demande mondiale qui ne cessait d’augmenter, la pratique classique consistait à abandonner les vieux vergers aux faibles rendements pour conquérir de nouvelles terres forestières. De nos jours, avec l’épuisement du foncier forestier, les vergers nationaux sont vieillissants et souvent affectés par des maladies. Les agriculteurs sont de plus en plus âgés et manquent de formation et de moyens (intrants agricoles). 

Néanmoins, il y a une prise de conscience croissante des Etats et du privé, ainsi que des consommateurs pour changer de modèle. Des études et recherches récentes rendent compte aussi d’un mouvement spontané de récupération de vieux vergers par des petits producteurs via des pratiques agroforestières.

2. Le cacao durable

Définitions du cacao durable

Le cacao durable est défini par la norme ISO 34101-3 et l’ARS 1000 imposant des méthodes de production économiquement viable, socialement responsable et écologiquement raisonnée. Selon l’ARS 1000, le cacao durable est le cacao qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs, y compris concernant les aspects économiques, sociaux et environnementaux. Ce cacao durable doit donc prendre en compte les différents enjeux de la filière comme la mise en place d’un revenu décent, le respect des droits humains et la préservation de l’environnement et de la biodiversité. 

Au-delà des définitions, dans la pratique, rendre le cacao plus durable implique de faire travailler ensemble différents acteurs : les gouvernements et les législateurs pour prodiguer un cadre national et un appui financier, mais aussi les ONG et porteurs de projets, plus inclusifs pour la population et permettant une implémentation concrète et adaptable sur le terrain. 

L’agroforesterie, une des pratiques durables

Les impacts négatifs de la filière cacao sont multiples et exigent de trouver des pratiques plus durables, en prenant en compte les enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Ainsi, l’agroforesterie, un outil issu de l’agroécologie, constitue une des options techniques à la lutte contre la dégradation des paysages forestiers, tout en assurant la sécurité alimentaire des populations locales. Les arbres sont plantés selon un arrangement spatial ou une séquence temporelle destinés à tirer profit des interactions écologiques et économiques entre ces composantes.

L’agroforesterie tend à diversifier les cultures et les systèmes de production. Il en résulte un entretien de la fertilité des terres, donc de meilleurs rendements économiques ainsi qu’une plus grande robustesse aux aléas ou maladies, rendant les cultures plus pérennes. Ces systèmes plus résilients assurent en plus des services écosystémiques importants (cycle de l’eau et séquestration carbone entre autres). Des parcelles productives vivant plus longtemps peuvent limiter la tentation au défrichement de nouvelles forêts. Pourtant, cela doit venir en complément de la restauration des zones dégradées et de la conservation stricte des espaces forestiers par les autorités forestières des pays.

Pour résumer, des pratiques agricoles plus durables permettent de préserver les services écosystémiques, tout en assurant la diversification des revenus des producteurs et donc une plus grande stabilité économique. 

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3. Les variétés de culture du cacao

La culture du cacao repose sur trois variétés principales. La Forastero est la plus répandue, avec environ 80% de la production mondiale. La Criollo est la plus rare, avec moins de 1%. Enfin, la Trinitario est un hybride entre la Forastero et la Criollo. 

Pour multiplier les cacaoyers, on utilise souvent la greffe, qui permet de reproduire des arbres aux caractéristiques connues et désirées. On choisit ainsi des espèces qui ont un bon goût, qui sont faciles à cultiver, qui résistent aux conditions climatiques et aux nuisibles, comme : 

  • Les insectes, 
  • Les champignons, 
  • Les maladies comme la pourriture brune des cabosses. 

Les différentes espèces ont des besoins spécifiques en termes de lumière ou d’eau. Par exemple, le clone CCN-51 est réputé pour sa productivité élevée (2 – 2.5 tonnes/ha), sa tolérance à des maladies comme la moniliose ou le balai de sorcière et sa fructification abondante. Le choix des variétés dépend aussi du marché visé. Le cacao fin et aromatique est privilégié pour les marchés spécialisés, où le prix élevé compense les faibles rendements (700 et 900 kilos/ha/an). Sinon, ce sont les variétés standards (comme le CCN-51) qui sont le plus souvent choisies en raison de leurs rendements plus importants. 

4. Comment les projets PAPFor et WABiLED ont réfléchi au développement d’un cacao durable et sans déforestation en Afrique de l’Ouest ?

Contexte et objectifs des projets PAPFor et WABiLED

L’étude s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre deux programmes financés par l’Union Européenne et l’USAID : le projet PAPFor, qui vise la gestion durable des aires protégées et des terres forestières en Afrique de l’Ouest, et le projet WABiLED, qui a pour but la préservation de la biodiversité et le développement à faibles émissions dans la région. L’objectif était d’étudier les principes de développement d’un cacao respectueux de l’environnement et des communautés locales des paysages forestiers soutenues par les deux programmes. Pour cela, il était nécessaire de faire un état des lieux des initiatives et des outils existants pour promouvoir une cacaoculture durable et sans déforestation. Kinomé a ainsi rédigé un vade-mecum qui recense les bonnes pratiques et les recommandations pour les praticiens de la conservation. 

Face à la croissance de la demande en cacao et au risque d’avoir plus de pression sur les forêts naturelles, il est indispensable de mener des projets de conservation et de protection de la forêt. Le but du projet PAPFOR est ainsi de fournir aux praticiens de la conservation un ensemble complet de références et d’outils leur permettant d’assurer que les « initiatives cacao » inscrites dans les programmes financés par l’Union Européenne et l’USAID dans les zones géographiques de PAPFor et WABiLED, soient les plus efficaces possibles et contribuent à la conservation des forêts dites guinéennes (c’est-à-dire de la zone climatique située au sud de l’Afrique de l’Ouest) et de leur biodiversité, tout en soutenant les moyens de subsistance des communautés vivant autour des aires protégées et conservées.   

Solutions et résultats

L’étude a proposé un ensemble de solutions visant à assurer que les projets cacao contribuent à la conservation des forêts guinéennes et de leur biodiversité, tout en soutenant les moyens de subsistance des producteurs. Kinomé a ainsi formulé des recommandations sur les aspects agronomiques, techniques, environnementaux, financiers et réglementaires de la filière cacao. Ces recommandations s’adaptent aux différentes situations : que la cacaoculture soit en cours de démarrage, qu’elle soit déjà existante mais perfectible ou qu’elle soit déjà conforme aux bonnes pratiques agricoles.

Les principales pratiques de durabilité préconisées sont le respect des bonnes pratiques agricoles (choix de sites appropriés, sans déforestation, priorité au renouvellement des vieux vergers, entretien des parcelles, gestion de la fertilité des sols…), la mise en place d’agroforesterie (association d’espèces locales, regarni des espaces vides par des essences d’ombrage ou des fruitiers…) et d’autres pratiques agroécologiques (gestion des ressources naturelles, cultures intercalaires, couvert permanent…). Pour améliorer la résilience des producteurs, il est recommandé de diversifier les sources de revenus par une diversification des cultures et activités. Un accord sur un « appel à l’action » pour prévenir la déforestation due à la culture du cacao a été conclu par l’ensemble parties prenantes (gouvernment, secteur privé, experts agricoles,…)

Télécharger l'étude complète >

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